mercredi 21 novembre 2018

Un jour, Windigo te fera payer le prix...

Feu, tome 3: Fleur de lys de Francine Ouellette (2007)
Historique, littérature québécoise
Libre Expression, 2007, 544 pages
Couverture: Chantal Boyer

Présentation: Pierre s'enrichit à l'aide de la contrebande pour donner à sa famille leur vie rêvée, alors que se profile peu à peu la guerre de sept ans. 
+ : cohésion
- : notes
Thèmes: contrebande traite de fourrures, établissement





Anedocte
Dans les notes de fin, j'apprends que Voltaire trouvait que nous n'étions que quelques arpents de neige et que les occuper ne causerait que guerres et humiliations. :(
Mon avis
Dans ce troisième tome, on retrouve plusieurs personnages présents dans le second (beaucoup plus qu'entre les deux premiers si ma mémoire ne me joue pas de tour) et on se concentre sur Pierre et sa famille. On commence à voir prendre forme l'établissement réel des gens qui sont là pour rester, même si Pierre continue à faire de la traite de fourrures. J'ai aimé en apprendre davantage sur ces voyageurs qui me faisaient voir un autre côté de cette traite et je crois même avoir appris que les coureurs des bois étaient les illégaux. On voit donc le côté sombre de la traite de fourrure avec la contrebande et les impacts de l'eau de vie chez les Amérindiens.
De plus, cette contrebande qui se fait aussi avec les marchandises anglaises font se questionner les personnages à savoir si les Amérindiens se positionneraient d'un côté s'ils avaient à défendre le territoire. Je ne m'attendais pas à voir que la future guerre se faisait tant sentir puisqu'après tout, ce tome débute en 1735. D'ailleurs, j'ai trouvé qu'on voyait moins les Amérindiens dans ce tome, mais n'était-ce pas aussi ce qui se passait réellement à l'époque? On voit donc plus la contrebande de Pierre dans le but de pouvoir bien s'établir sur une terre et faire vivre sa famille. Pendant que je réfléchis à ma chronique, je réalise que mon sentiment mitigé vient du fait que, oui, j'ai aimé ma lecture, voir l'établissement de Pierre, mais que ce défrichage a eu des impacts négatifs puisque comme tu as récolté plus de garentaguing qu'il n'en faut pour te soigner. Un jour, Windigo te fera payer le prix... ou il fera payer le prix à tes enfants. Un jour, quand tu auras besoin de cette plante que tu n'as pas épargnée, elle n'y sera plus. Cette plante, il s'agissait du ginseng. De plus, cet établissement, bien que lointain, fait réfléchir sur nos valeurs et notre société de surconsommation ainsi que sur les valeurs amérindiennes, et j'ai aimé que l'auteure apporte indirectement des pensées là-dessus en nous faisant voir ce que ces tribus pensaient du mode de vie occidental avec par exemple la grange pleine de racines de ginseng et le bois qui brûle.
J'ai par contre trouvé que les notes de bas de page n'apportaient pas de grand éclaircissement, comme si elles n'étaient là que pour appuyer ses dires, donner le titre des personnages historiques ou dire de que tel mot est un vêtement amérindien par exemple. Donc, je ne trouvais pas que ça apportait un réel plus, même pour les vrais personnages historiques.
Parlant de personnages historiques, j'ai apprécié qu'elle mette Champlain en scène discrètement lorsque se passe la partie de la guerre de sept ans. Pendant cette partie, j'ai trouvé qu'on était plus centré sur Passerat de la Chapelle, nom qui m'était inconnu (ou dont j'espère que c'était parce qu'il ne m'avait pas marqué), que sur les personnages qu'on suivait depuis le début moins présents, à ce qu'il me semble. Peut-être est-ce pour cela que je n'embarquais moins dans cette partie, à moins que ce soit parce que je connaissais la fin. Je peux comprendre qu'il s'agit d'un souci historique puisqu'impossible de bien décrire les diverses batailles sans inventer, mais on peut aisément imaginer que des familles ont vécu les situations des personnages fictifs qu'on trouve dans ce récit.
C'est donc un récit que j'ai bien aimé pour mieux découvrir cette époque du second quart du 18e siècle en Nouvelle-France, où, malgré des différents, on voit une solidarité entre les habitants. C'est un récit dont j'ai trouvé que les éléments fictifs et réels forment une belle cohésion. Je serai donc contente de découvrir  le prochain qui est le tome qui m'avait attiré par son titre.

Quelques citations
La richesse du paysan se trouve dans la possession du sol, croit-il, et dans la jouissance légitime des fruits d'un travail qui n'implique que lui-même et ne tracasse pas sa conscience. Ce qu'il a vu de la traite dans les Pays-d'en-Haut vient en totale contradiction avec une partie de lui-même, car il ne peut se résigner à trafiquer l'eau-de-vie, synonyme de mort et de déchéance des peuples amérindiens, donc de mort et de déchéance d'une partie de lui-même. Synonyme également de trahison envers Mingam. 
Chaque fois, il subit l'affront de l'envahisseur et l'impudence de l'intrus, renouant avec son impuissance à changer le cours des choses. 
Un bon mashhkiki-winini ne regarde pas la couleur de la peau avant d'arrêter le sang qui coule des plaies. 
Ce que tu reproches aux Yangisses, mes yeux le voient faire par les Français... Ainsi, cette pointe qui s'avance dans le lac... Les miens y levaient leurs abris quand Nipinoukhe arrivait avec sa saison chaude. Aujourd'hui, mes yeux voient ton église et les convertis qui habitent d'un côté et de l'autre... Mes yeux voient du maïs dans les champs des Iroquois, mais pas une seule poignée de cette terre ne leur appartient... Mes yeux ont vu vos canots s'emparer de la Grande Rivière qui mène au pays des fourrures... Mes yeux ne font pas la différence entre les Yangisses et les Français. 
Développer le pays est le moindre de leurs soucis. De la France, ils ont importé le pire, soit l'appât du gain et la superficialité.  
Hier, il [Pierre Passerat de la Chapelle] a visité les fortifications de Québec qu'il juge inadéquates sur bien des points. L'état des murailles et de leurs bastions laisse à désirer, alors que les fossés sont inachevés; les portes de la ville ne ferment point; le quartier de l'intendance et le faubourg Saint-Roch sont sans aucune protection et la Basse-Ville est défendue par cinq batteries de six, sept ou huit canons en mauvais état. Il appert qu'on a trop misé sur la configuration des lieux et sur l'invincibilité de la falaise. 
Ce pays de la démesure n'attribue ses récompenses qu'aux plus laborieux. Qu'aux plus opiniâtres. Et elle est là qui l'attend, sa récompense. 
Parce que je participe à quelques challenges



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