samedi 30 mars 2019

promesses d'éternité

Au bout de l'exil, tome 2: Les méandres du destin 
Auteur : Micheline Duff
Couverture : Polygone studio
Édition: Québec Amérique - 2010 - 302 p.
historique,  romance, littérature québécoise

Présentation: Marguerite, à Lowell, aime un homme, même si les convenances le lui interdisent.
+ : passion
- : début
Thèmes: religion, mère-enfant



Pourquoi ce livre?
Parce que je n'arrête pas de le repousser, il était bien temps que je découvre ce second tome. Surtout que je me souvenais d'avoir apprécié le premier. (lu, après vérification en 2012...)
Mon avis
Et je dois avouer que, une fois n'étant pas coutume, j'ai eu de la difficulté à embarquer ici. Était-ce le fait que cela faisait trop longtemps que j'avais lu le précédent (malgré le résumé succint au début du tome) ou à autre chose, je ne saurais pas dire. Mais aimant ce que j'avais lu de Micheline Duff jusqu'à présent, son style, ses histoires, j'ai poursuivi. Pour mon bonheur. Car oui, j'ai eu de la difficulté à embarquer, mais lorsqu'on est embarquée, on vit l'histoire avec Marguerite.
Bien sûr, on voit aussi la vie de ses sœurs, mais l'histoire est bien centrée sur Marguerite, sur ses sentiments, ses passions, ses pensées face aux convenances de l'époque, ses déchirements.
De plus, on voit comment les Québécois vivent en Nouvelle-Angleterre, s'installent, veulent ne pas perdre leurs traditions. Tout cela au coeur d'un catholicisme menacé par le protestantisme de plus en plus présent dans cette région. Et même le prêtre Antoine, apprécié de sa communauté, se questionne sur les valeurs de son sacerdoce.
- Nous ne sommes pas du bétail, que je sache! Et pas plus les femmes que les hommes! Pour se reproduire chaque année, les animaux délaissent en général leur progéniture au bout de quelques mois. Pas après quinze ou vingt ans comme les humains! Avez-vous une idée de ce qu'élever des enfants représente? Les bêtes ne songent qu'à deux choses: survivre et perpétuer leur race. Mais la race humaine est différente. Vous criez sur tous les toits que les humains ont une âme. Eh bien, prenez-la en considération, cette âme, et que l'Église arrête donc de considérer les femmes comme des machines à mettre bas! 
Également, fin 19e, le clergé est bien important et ainsi les relations hors mariage, on est loin de notre époque. Et on croise entre autres une jeune fille à l'hôpital de la Sainte-Miséricorde qui, pour ma part, m'en a appris sur la réalité des mère-enfants à cette époque: comment cela se passait pour qu'elles remboursent les soeurs.
Bref, j'ai donc apprécié être transporté à une autre époque avec ce titre, et encore une fois, j'ai apprécié le style d'écriture.

Quelques citations
Le monarque comprit-il ces paroles? Il s'envola soudain en dessinant de maladroites arabesques et alla se réfugier sur l'une des fleurs qui ornaient le portail. Marguerite comprit le message et soupira: «Allons, ma vieille, il ne faut pas se laisser abattre. Même mal foutue, même avec une aile brisée, la vie continue. Pour lui comme pour moi.»
Marguerite fit mine de ne pas comprendre l'allusion pourtant évidente. Cher Hugo! Toujours attentif et délicat. Plein d'égards. Capable de saisir ses sentiments sans même qu'elle ait à lui faire de confidences. Il devinait tout, comprenait tout. Plus elle le connaissait, plus elle découvrait sa grandeur d'âme. À ses yeux, il représentait un compagnon protecteur, un être généreux et bon, rempli d'idéal. Une force à laquelle s'accrocher. Le meilleur des amis...
Elle eut une pensée pour Antoine. Le beau ténébreux, lui, se contentait de l'aimer à distance, lui ouvrant son coeur à de trop rares occasions et ne partageant avec elle aucun rêve d'avenir sinon de romantiques promesses d'éternité. Comment pouvait-elle le préférer au journaliste?  
Parce que je participe à quelques challenges

Terre du milieu
Défi-lecture: #77





vendredi 29 mars 2019

Séraphin

Un homme et son péché: Les belles histoires des pays d'en haut
Auteur : Claude-Henri Grignon
Couverture: conception de Daniel Bertrand avec une image de Jean-P. Ladouceur
Édition: Stanké - 1998 - 207 p.
original: Éditions du Totem , 1933
Littérature du terroir, classique, littérature québécoise


Présentation: Séraphin aime son or.
+ : entraînant
- : focalisé
Thèmes: avarice, conditions paysannes



Pourquoi ce livre?

Ayant vu des épisodes ici et là d'une vieille adaptation, un des films, la présente série, et ayant toujours voulu découvrir ce titre culte, il était plus que temps que je le découvre.

Mon avis

J'ai trouvé que le style coulait aisément. Peut-être m'attendais-je à quelque chose de plus soutenu, vu l'époque de rédaction, mais ce n'était pas le cas. J'ai donc été surprise, car même si les descriptions sont là, je trouvais le rythme entraînant, et j'aimais bien.
De plus, je ne pouvais m'empêcher de faire des parallèles avec les différentes adaptations et je voyais très bien le comédien faire les gestes décrits par Grignon.
Séraphin baissa la tête, comme cloué dans une méditation profonde, tandis qu'il caressait d'une main lente son menton maigre, long, pointu, toujours frais rasé. Certainement, tout à coup, s'arrêta juste au-dessous de l'œil droit. C'est alors que le cerveau de séraphin travaillait, calculait, glissait, telle une couleuvre, parmi des méandres sans fin, pour aboutir, en pleine lumière, à cette question : – Sans doute que vous avez des vaches, monsieur Lemont ?
Bien sûr, au niveau de l'intrigue, je n'ai pas eu de surprises, même si je me doutais que les adaptations avaient pris quelques libertés.
Et ici, on voit bien l'avarice de Séraphin qui n'est accro qu'à l'argent, au point de ne pas vouloir soigner Donalda et de se demander ce qu'il lui en coûte de la faire vivre. Il préfère se priver tel que le montre ses soupes sans goût qu'il mange abondamment en petite quantité. Le récit est donc réellement focalisé sur l'avarice de Séraphin, et les personnages secondaires sont relégués loin en arrière ici, au point que je ne suis même pas certaine de les considérer comme des personnages tertiaires. Cela fait que j'avais l'impression qu'ils avaient moins de saveurs, et c'est ce qui m'a déplu dans le récit, leur quasi-absence.
Somme toute, j'ai apprécié découvrir cette lecture qui met en scène cet anti-héros, et enfin découvrir d'où il provenait. Procurez-vous le si vous le désirez. J'ai terminé ma lecture dans le temps où la 4e saison s'achevait. Bien hâte de voir ce qu'il en sera de l'ultime. 

Quelques citations
Un moment, Donalda, d'un geste doux, passa deux fois sa main sur son visage, de haut en bas, comme si des fils d'araignée la fatiguaient beaucoup. Elle tenait ses pieds froids hors du lit, tandis que d'une main énergique elle tira sur elle les draps humides. Un soupir sembla la soulager étrangement. 
Parce que je participe à quelques challenges

(Terre du milieu)
Défi-lecture: #34
 Multi-défis : #68

mardi 12 mars 2019

je me réconcilie avec la vie

Mon fol amour
Auteure : Dominique Demers
Couverture : Photomontage par Anouk Noël à partir d'une photo de Andres Rodriguez
Édition: Québec Amérique - 2017 - 379 p.
Contemporaine, littérature québécoise

Présentation: Dominique s'achète un chalet, et va au gré des rénovations!
+ : distrayant
- : ? il ne m'en vient pas à l'instant
Thèmes: rénovation, chalet, amitié/amour



Pourquoi ce livre
Bon, je l'avoue, le fait que c'était centré sur la relation d'amour de l'auteure envers sa maison m'a rebutée, mais pour Elrond dans le challenge de Terre du Milieu, je l'ai pris, sans le lire. N'empêche que mars a débuté et que pour une quelconque raison, le titre m'a attiré. Et je m'y suis donc lancée. Après tout, c'est Dominique Demers!

Mon avis
Et au début, je remarque qu'il est mentionné sur le dos qu'il s'agit d'une fiction inspirée de sa vie. Heureusement donc que je ne l'avais pas pris pour Elrond ;) Me voilà donc lancé dans ma lecture, avec moins d'a-priori probablement que lorsque ce livre m'avait été présenté. Et dès le départ, on se retrouve dans l'univers avec la plume propre à Dominique Demers. Bien que j'ai trouvé les descriptions moins nostalgiques, il n'en demeure pas moins qu'elles sont encore fluides, empreintes de beauté, et que certaines nous estomaquent.
Même si le spectacle n'est guère attrayant, ce que je découvre sous ma petite maison de rêve ressemble à ce qui se cachait sous le chalet de ma tante Jacqueline établie sur les rives de l'Outaouais. Terre battue, réservoir d'eau chaude posée sur de vieilles planches, fils électriques qui pendouillent, enchevêtrement de tuyau d'eau, poutres et poteaux de toutes sortes, certains d'apparence douteuse, d'autres un brin moins, et toiles d'araignée en quantité industrielle. Il fait noir et mon père aurait dit que ça sent le diable.
Pendant la nuit, il a neigé encore, puis les cristaux ont fondu, juste avant qu'un grand froid givre tout. Plus féerique, tu meurs ! Une délicate membrane de glace aux reflets d'argent recouvre chaque minuscule portion du paysage. Depuis les hautes herbes et les fines feuilles des buissons au bord du lac jusqu'aux branches nues des arbres géants, sans négliger 1 cm du tapis blanc. Tant de beauté mes laisse le coeur tremblant et la gorge nouée.
De plus, à travers tous les événements concernant le chalet qui nous font nous demander jusqu'où ça ira, on voit la vie suivre son cours avec les sorties suivant les rencontres Internet, ainsi que son désir d'écrire dans cet endroit. J'ai d'ailleurs bien apprécié les passages avec les amoureux potentiels, qu'ils aient été en direct ou racontés aux amis, passages qui m'ont souvent bien fait rire.
Le ton d'alarme me fait imaginer une attaque d'Iroquois ou un débarquement de Martiens.
– Une grosse araignée d'eau ! s'exclame-t-il. Sur le lac… Là !
J'éclate de rire.
– C'est OK. Je les ai adoptées. On est dans leur territoire. Une araignée, c'est pas pire qu'un papillon. C'est juste laid…
– Ça pique!
– Elles me m'ont jamais rien fait…
Dans une position d'homme des cavernes, Louis élève son aviron au-dessus de la pauvre araignée d'eau, une bibitte plutôt répugnante effectivement.
– Noooon !
Trop tard. L'aviron s'abat sur la bête avec suffisamment de force pour éclater, brisé en deux morceaux. Ma première pensée est pour la victime. Je soulève le bout plat de l'aviron ayant servi d'armes. Zéro pâté d'araignée dessous. Fou ! Le brave animal a fui à temps.
De plus, j'ai aimé voir à travers les rénovations, certaines réflexions sur l'écriture, et au moment de choisir mon titre de message, je réalise également que les rénovations de ce chalet, bien qu'avec de nombreux balbutiements, peuvent sans doute contribuer à réconcilier avec la vie, avec tout cet amour qui y est mis. De plus, toutes ces rénovations font qu'on voit le chalet évoluer, tout comme l'auteure au gré de ses rendez-vous, de ses rencontres. D'ailleurs, j'ai bien apprécié ce passage qui reflète bien ma pensée et que je vous invite à méditer quand vous êtes prompts à juger des autres (moi aussi d'ailleurs qui l'oublie encore parfois!):
Cet échange a révolutionné mon existence. J'étais persuadée que tout le monde pensait comme moi : entre une base et un sommet, on ne pouvait opter pour autre chose que le sommet. Ce que je croyais universel ne l'était tout simplement pas. J'ai compris le caractère intime dans notre perception des lieux et de notre relation au territoire. Et quelque part dans ma petite tête, j'en ai profité pour mieux apprécier combien les humains sont aussi étonnants que profondément différents.
D'ailleurs, je me demande, si la maison des petits cochons avait été en brique, combien de fois Dominique se serait senti comme si une brique lui était tombé sur la tête! Et ici, je me demande, vu tous les désastres, à quel point la réalité dépasse la fiction. Bref, j'ai donc apprécié la plume et l'histoire ici, avec toutes les piques d'humour qu'elle recèle. Donc, n'hésitez pas à vous le procurer ou un autre de l'auteure!

D'autres citations
Un paysage moins glorieux n'aurait pas suscité ce sentiment. C'est dans la perception du moment, éblouie par la somptuosité des environs, que j'ai saisi combien les êtres humains colorent et révèlent les lieux. Tout comme les grands bonheurs et les pires peines réclament une présence intime, la grâce d'un instant requiert parfois, pour être pleinement appréciée, la proximité d'une personne aimée. Cette révélation a transformé ma vie. Il m'arrive parfois d'oublier, mais au moment des grandes décisions, au cœur des désastres, des joies, des déchirements, des contradictions, des dilemmes, des occasions uniques, je me souviens que, quelles que soient l'issue, les gens feront la différence.
Je me dis seule, pourtant, ma petite maison me semble plus que jamais habitée. Comme si des créatures d'un autre monde, elfes, gnomes ou lutin, veillaient clandestinement sur moi en partageant mon chagrin.
C'est presque toujours grâce aux mots que je me réconcilie avec la vie. Les mots lus et les mots écrits.  [...]
Un matin, j'ai ouvert mon ordi, j'ai créé un nouveau document et j'ai laissé mes dois courir sur les touches. J'aime répéter que le plus important dans un projet d'écriture, c'est l'avant. Les longues rêveries, les recherches, les essais, les fiches de personnages, les notes comme si on partait en voyage… cette fois, je n'ai rien fait. J'ai sauté, sans parachute, sans filet, en ne me souciant pas de ce qui pouvait arriver dans l'urgence de dire m'étreignait.
Dire le chagrin. L'expulser. Avec une histoire.
Parce que je participe à quelques challenges

(Terre du milieu)
Défi-lecture: # 69
Challenge personnel : # 22
 Multi-défis : # 5

lundi 11 mars 2019

Un mensonge à préserver

Le doux venin des abeilles
Auteure : Lisa O'Donnell
Couverture : Studio Piaule
Édition: Michel Lafon - 2018 - 391 p.
Traduction par Philippe Mothe
original: The Death Bees,  première publication par William Heinemann, 2012
Drame, littérature contemporaine, littérature écossaise


Présentation: Deux adolescentes enterrent leurs parents dans la cour et font croire que ceux-ci sont partis en voyage
+ : tension
- : "sans surprise"
Thèmes: pauvreté, maltraitance, drogue, adolescence


Pourquoi ce livre
Pendant mes achats pour un swap, ce livre, par son titre et sa couverture, m'a intriguée. Je lis donc le résumé, et hop dans la wish. Et c'est donc martineke qui me l'a offert dans le cadre d'un autre swap, que je remercie à nouveau. Et je l'ai donc sorti de la PAL récemment puisqu'il me faisait de l'oeil.

Mon avis
Et j'ai bien fait de l'en sortir, car j'ai bien apprécié cette lecture.

Dès le départ, on est plongé dans l'histoire, dans le fait que les parents sont enterrés dans le jardin, et on se questionne donc, qui a bien pu commettre le crime pour mener à cet enterrement? Même si, dans mon cas, je sentais poindre la vérité.

On suit donc la vie de Marnie et Nelly, adolescentes, après cet enterrement, et on en apprend aussi sur leur passé qui n'était pas tout rose, cet argent que doivent leurs parents au milieu du crime.
Peut-être que le café m'était un peu monté à la tête, mais quand je pense à ces gens qui ont livré leurs enfants à elles-mêmes, qui les ont laissées se débrouiller dans un monde froid et cruel, sans même un mot pour dire où ils allaient ni une miette à se mettre sous la dent, leur sort m'indiffère. Elles méritent mieux, ces filles. Elles se tiennent propres, travaillent bien en classe et, avec les deux plaies qu'elles ont pour parents, c'est vraiment un miracle qu'elles soient encore en vie. 
On suit donc ces deux orphelines, et on se demande, comme Marnie, comment elles pourront s'en sortir. Auront-elles assez d'argent? Combien de temps pourront-elles garder le secret par le biais du mensonge qu'elles inventent. Quand Marnie s'inquiète pour Nelly, on voit l'attachement, mais on voit aussi le fait par d'autres événements qu'elle l'envoie paître. On remarque aussi ces sentiments chez Nelly, et vu ce qu'on apprend de leur vie au fil du récit, on ne peut que les apprécier, et espérer qu'elles s'en sortent.

De plus, arrive un moment où leur voisin se rend compte qu'elles sont laissées à elles-mêmes, et les prend en quelque sorte sous son aile, voisin qui a lui aussi certains secrets, comme nous permet de l'apprendre ce roman choral. Et les fillettes utilisent leur voisin en le faisant passer pour leur oncle afin de s'éviter des troubles avec "l'aide sociale", sachant qu'elles ont besoin de l'argent puisque leurs parents ne reviendront pas. J'ai aussi bien aimé le rôle attribué au chien du voisin, puisque les adolescentes ont bien peur que celui-ci déterre les ossements et révèlent ainsi où sont cachés leurs parents.

J'ai aussi apprécié le roman choral qui, ici, bien que chaque narrateur ait un court passage, voire minuscule, donne suffisamment d'informations pour qu'on s'attache dans chaque passage vis-à-vis chaque narrateur. De plus, face à cette maltraitance, le traitement est tel que ce n'est pas de la pitié qu'on éprouve pour les fillettes, mais plutôt de la compassion, et un espoir face à leur avenir. Pour savoir si l'espoir est vain ou non, vous devrez vous le procurer.

Aussi, au moment d'écrire cette chronique peu de jours après avoir terminé ma lecture, je voyais déjà que mon souvenir s'estompait beaucoup alors que j'avais adoré ma lecture, et je m'en suis demandée la raison. C'est là que j'ai réalisé que c'est probablement parce qu'il n'y a pas de revirements à nous faire demander ce qu'on avait zappé, pas de réelles grosses surprises, même si certaines situations peuvent nous paraître un peu moins convenues. C'est ce que je vois qui expliquerait ce sentiment dans mon cas. N'empêche que, vous l'avez sans doute compris, j'ai adoré cette lecture, et cette plume que j'ai trouvé juste, émouvante. Alors, n'hésitez pas s'il vous tente!


Quelques citations
Les oiseaux chantent encore, la musique est là, toujours. Ma vie continue tandis qu'une autre se retire.
La mort, nous l'avons déjà vue, Marnie et moi, ce monceau de glace qui fond au fil des jours, ces gouttes d'eau qui gèlent sur notre âme pour, à chaque instant, nous remémorer ce qui a disparu, mais le désespoir qui nous assaille aujourd'hui est une peine qui imprègne de ténèbres la moindre de nos fibres.
Elle ne viendra pas, l'heure de lui dire adieu. Il ne viendra pas, le point final. Le voilà qui glisse vers l'apaisement, il nous quitte et j'ai beau chercher du courage en le voyant partir, je suis terrassée de larmes, mais je me dois de les cacher car il nous lègue un mensonge à préserver, un mensonge inventé pour nous sauver.
Peut-être que le café m'était un peu monté à la tête, mais quand je pense à ces gens qui ont livré leurs enfants à elles-mêmes, qui les ont laissées se débrouiller dans un monde froid et cruel, sans même un mot pour dire où ils allaient ni une miette à se mettre sous la dent, leur sort m'indiffère. Elles méritent mieux, ces filles. Elles se tiennent propres, travaillent bien en classe et, avec les deux plaies qu'elles ont pour parents, c'est vraiment un miracle qu'elles soient encore en vie. Les enfants méritent d'être aimés et, quand on ne sait pas aimer, on ne devrait pas en avoir. En entendant cela, Marnie est devenue toute pâle et j'ai alors compris que je l'avais blessée. À bien y réfléchir, il ne m'était évidemment jamais venu à l'esprit qu'on puisse aimer des êtres aussi calamiteux, que Marnie les aimait, que Nelly pouvait les aimer et se faire aimer en retour.
Pauvre petite, elle est déboussolée mais, si on cherche à l'aider, on sait qu'elle va se verrouiller à double tour, alors qu'il faudrait qu'elle s'ouvre pour qu'on puisse la réconforter quand elle sature, quand elle est trop fatiguée pour faire encore semblant. Elle est manifestement à la recherche d'une figure paternelle, d'amour aussi, peut-être; mais elle ne frappe pas aux bonnes portes, presque volontairement d'ailleurs. C'est sûrement pour ça qu'elle est d'abord allée vers lui, pour chercher de la douleur, nourrir le dégoût qui est en elle. J'ai peur pour elle, comme s'il y avait dans cette jeune pousse une pourriture qui lui dévorait l'âme, qui grignotait tout ce qui est en germe à l'intérieur; heureusement pour elle, je suis un peu horticulteur et je sais que cette pourriture-là, elle se traite. À condition de tomber entre de bonnes mains, bien sûr.
J'ai peur de la mort, j'ai toujours eu peur de la mort. Elle arrive comme un grand vent, et toujours par effraction. J'allais de nouveau la croiser aujourd'hui. 

Parce que je participe à quelques challenges

Terre du milieu
Défi-lecture: #28
Challenge personnel : #14
 Multi-défis : #28
 


samedi 9 mars 2019

comment peut-on vouloir oublier la moitié du monde

Reine de Mémoire, tome 1: La Maison d'Oubli 
Auteure : Élisabeth Vonarburg
Illustration de couverture: Jacques Lamontagne
Édition: Alire - 2005 - 688 p.
Fantasy, littérature québécoise

Présentation: Dans un univers où Jésus a eu une soeur jumelle, des enfants orphelins veulent percer le mystère de la fenêtre de trop, de l'univers de grand-mère.
+ : idées
- : saccades
Thèmes: gémellité, conformité, magie



Pourquoi ce livre?
Acheté parce que j'avais entendu parler en bien de Vonarburg, et sorti de la PAL puisque Mario me l'a choisi pour le challenge Pige m'en 3.

Mon avis
Oh, comment bien vous le faire ressentir, car il y a du très bon, et du très mauvais. 
Tout d'abord, quand j'ai commencé ma lecture, j'ai eu de la difficulté avec le style. Mais j'avais poursuivi, et après quelques pages, ça passait. Mais je dois vous dire que ça été le cas tout le long avec des passages qui me rappelaient ma crainte dans les premières pages. Il est arrivé un moment où, écrivant aussi dans mes temps libres, je me suis demandée ce qui clochait, et outre le fait que je trouvais cela bien répétitif avec des phrases qui répétaient magie/magique/mages à tour de bras, je me suis rendu compte que je trouvais cela enfantin (j'ai vraiment eu l'impression qu'elle s'adressait à un enfant de 4 ans), trop descriptif, trop explicatif par moments. Alors que d'autres, je trouvais cela entraînant, captivant.
C'est comme s'il cessait de respirer, que sa poitrine se gonflait d'un souffle si long, si vaste que ça n'est plus un souffle, c'est l'univers tout entier qui l’empli, qui le retourne comme un gant et il est l’univers et un point en même temps, une extension vertigineuse et en même temps une concentration si dense, si chaude, qu’elle explose en une extase de joie lumineuse, elle danse, elle tourbillonne, elle se concentre à nouveau, et lui danse et jaillit avec elle, et encore, et encore.
Des présences, autour de lui. Les ailes duveteuses des âmes ? Mais non, c'est plutôt une sphère vitreuse et fourmillante et troubles qui l'entoure, comme ce qu'il se rappelle avoir perçu parfois autour de son talent inaccessible. Mais elle n’enferme point la flamme désirée. Elle vacille, elle tremble.
Il sort peu à Aurepas; il mène une vie publique industrieuse et respectable : il s’occupe de son magasin, il va à l’Office le dimanche et aux offrandes en semaine. On mange bien, mais simplement, à la maison comme au pavillon. Les réceptions sont rares et la pluspart du temps intimes ; quand il y a 10 personnes, c'est si exceptionnel que monsieur Faubrisson en est toute énervée. 
Dur de vous faire ressentir cela avec des petits passages puisque c'est surtout sur la longueur qu'on voit ce ressenti, surtout pour les passages qui nous donnent le sentiment d'un ton enfantin. Ce fut donc en dents de scie pendant tout la lecture sur ce point.

Cependant, ce qui me faisait poursuivre la lecture, ce sont les idées, car j'aimais cette aura de mystère avec ce là-bas, cette fenêtre de trop, le mystère de la vie de l'ancêtre qu'on découvre peu à peu avec une alternance. J'ai aimé aussi qu'on puisse déduire l'inspiration des Atlandie, Ehmory avec l'émorique, hiérarques, christien, islamite, géminites, pour citer qui me viennent à l'instant. Et non, ce ne sont pas des fautes de frappe, et vous pouvez sans doute déduire l'inspiration. Tout cela mêlé à de la magie, dans un univers parallèle au nôtre.
«une fois revenus chez eux en Europe, les messagers ont présenté leur rapport à la Royauté espagnole parce que c'était elle qui avait financé les expéditions, mais surtout à ses hiérophantes. Et eux, ils ont envoyé des lettres aux autres hiérophantes dans les autres pays.» Il fait une pause solennelle. «Car ce n'était pas vraiment la première fois que des mageis se rendaient mutuellement impuissantes.»
De plus, j'ai aussi aimé voir des réflexions sur ces points d'inspiration qui nous font réfléchir à l'Histoire. Je crois d'ailleurs que ceci est le point le plus fort de mêler ces réflexions à la magie.
Il retournait aussi en Atlandie astral, avec un fort contingent de soeurs et de frères caristes, qui allaient se consacrer presque entièrement désormais aux indigènes. Cela n'irait pas sans trouble : certaines tribus ne voulaient rien savoir des étrangers ni de leur foi, et considéraient les derniers sacrament comme une abominable sorcellerie. 
 «alors oui, c'est la position française qui a fait échouer le Concile. Surtout parce qu'elle a été plus honnête que d'autres, lesquels désirent la même chose mais n’osent le dire ouvertement. On veut l'élection d'un hiérarque suprême par le Conseil des Hiérarques, lequel dirigerait une commission de mages chargés de veiller à la pureté de la doctrine.
– Comme le pape christien et son Inquisition ?» souffle Gilles, horrifiée.
– eh bien, pas vraiment le pape christien, car ce hiérarque suprême répondrait encore de ses actes devant le Conseil. Mais pour l'Inquisition oui, cela y ressemblerait quelque peu. Les tortures et les bûchers en moins.»
Bien sûr, tout cela crée un univers complexe et il est aussi parfois difficile de s'y retrouver, comme avec les explications des cartes du tarot de grand-mère dont je n'ai pas bien compris les subtilités et l'impact dans le récit. On doit donc essayer de se rappeler ce à quoi correspondent les éléments et totalement oublier leur rôle dans notre réalité, ce qui explique qu'ici aussi ce fut en dents de scie puisque parfois j'étais complètement immergée dans l'histoire, alors que d'autres fois, le style n'aidant pas, je ne l'étais aucunement et me demandait où ça s'en allait.
Bref, vous comprenez que j'en ressors déçue. Heureusement pour l'auteure de ce titre, j'organise le challenge Deuxième chance ;)


Quelques citations
Pierrino contemple la carte de grand-père, et toutes ses terres presque magiquement apparues là où il avait jusqu'à présent toujours imaginé, avec Senso, un océan grand comme la moitié du monde. Les gens sont bien étrange. Comment peut-on se faire oublier, comment peut-on vouloir oublier la moitié du monde?
Parce que je participe à quelques challenges

Terre du milieu
Défi-lecture: #8
Challenge personnel : #2
 Multi-défis : #91


Le prix littéraire SFFF obtenu est : Grand prix de la science-fiction et du fantastique québécois

mardi 5 mars 2019

Quel poison silencieux

Rien ne s'oppose à la nuit 
Auteure : Delphine de Vigan
Couverture : Frédéric Pierret
Édition: Le livre de Poche - 2016 - 403 p.
original: Jean-Claude Lattès , 2011
Biographie, essai, littérature française


Présentation: Delphine de Vigan interroge le passé de sa mère, pour mieux la comprendre, ainsi que ce qu'ils appellent la malédiction familiale.
+ : style
- : aura de mystère
Thèmes: bipolarité, suicide, famille



Mon avis
Je ne sais plus pourquoi ce livre est atterri dans ma wish puisque je sais que je lis peu de biographies. Peut-être qu'à l'époque, c'est le côté bipolarité et suicide qui m'avait attiré sans que je sache qu'il s'agissait d'une biographie. Et heureusement que je ne savais pas ce côté, car je n'aurais probablement jamais découvert ce titre émouvant si je l'avais su.
Delphine de Vigan tente de comprendre la famille de sa mère. Et dès les premières pages, on est conquis par la plume de DeVigan, et on s'attache à la famille, et on se questionne sur quels sont les événements.
Ainsi, Delphine interroge-t-elle oncles et tantes, et autres personnages de l'entourage de sa mère, à la recherche d'explication, d'origine de la douleur, de la compréhension de la souffrance. 
Mais je sais aussi qu'à travers l'écriture je cherche l'origine de sa souffrance, comme s'il existait un moment précis où le noyau de sa personne eut été entamé d'une manière définitive et irréparable, et je ne peux ignorer combien cette quête, non contente d'être difficile, est vaine. C'est a travers ce prisme que j'ai interrogé ses frères et sœurs, dont la douleur, pour certains, fut au moins aussi visible que celle de ma mère, que je les ai questionné avec la même détermination, avide de détails, à l'affût en quelque sorte d'une cause objective qui m'échappe à mesure que je crois l'approcher.
Aussi, à travers cette recherche, il n'empêche pas que l'auteure a des doutes, se questionne.
Pourtant, toute tentative d'explication est vouée à l'échec. Ainsi devrai-je me contenter d'en écrire des bribes, des fragments, des hypothèses.
L'écriture ne peut rien. Tout au plus permet-elle de poser les questions et d'interroger la mémoire.
Au lieu de quoi je ne peux toucher à rien. Au lieu de quoi il me semble que je reste des heures les mains en l'air, les manches remontées jusqu'au coude, ficelé dans un horrible tablier de bouchère, terrorisée à l'idée de trahir l'histoire, de me tromper dans les dates, les lieux, les âges, au lieu de quoi je crains d'échouer dans la construction ce récit tel que je l'avais envisagée.
C'est donc la quête de l'auteure de trouver la vérité qu'on suit pendant qu'elle nous raconte le passé de Lucile. Et lorsque de Vigan rassemble les éléments pour établir sa vérité, celle qui lui semble le plus plausible, elle mentionne d'autres théories, qui parfois nous semblent irréelles. Je pense entre autres aux différents souvenirs qu'elle récoltait face à un événement menant à un désastre.

dimanche 3 mars 2019

La fièvre des nuages

La petite fille aux nuages noirs
Auteure : Kitty Sewell
Couverture : photo de Jennifer Boggs
Édition: France Loisirs, 2010, 538 pages
original: Cloud fever, Kitty Sewell , 2010
Aventure, suspense, littérature suédo-anglo-canado-espagnole

Présentation: La fille d'un pilote d'hélicoptère a des prémonitions qu'il voyagera et vivra des drames, cela couplé au fait que Daniel reçoit un appel l'invitant à se rendre au chevet de son père, mort avant sa naissance.
+ : fluidité
- : traduction du titre
Thèmes: Tibet, pilote, famille



Pourquoi ce livre
Je ne me rappelle plus pourquoi ce livre est arrivé dans ma wish, pour arriver dans ma PAL. Mais j'en l'ai sorti puisque, pour coupler le challenge Objectif du mois avec Douze thèmes, je cherchais un livre qui se passait en montagne et qui n'était pas trop notre genre. Comme il était marqué romance et voyages sur la fiche en tant que genres, ainsi que j'avais repéré le mot Tibet en regardant ce qui pouvait se passer à la montagne, ce fut ce livre que j'avais sélectionné.

Mon avis
Le mois passant, j'ai lu plusieurs autres lectures, et lorsque je l'ai entamé, je n'avais pas de souvenirs de ce dont ça allait parler exactement, me rappelant que du Tibet et de la romance. Or, je me suis rapidement rendue compte que ce titre ne semblait pas être de la romance puisque ça m'a paru plus comme une aventure énigmatique sur les origines de Daniel: l'appel reçu était-il la vérité et quels rôles avaient les prémonitions de sa fille. Bien sûr, il y a une histoire d'amour à travers le récit, mais on est loin de la romance en tant que genre. Et j'ignore pourquoi ce genre s'est retrouvé sur la fiche puisque sur mon 4e de couverture que je lis au moment d'écrire la chronique, il est indiqué:
Un homme en quête de son identité part pour une aventure fascinante et mystérieuse: une cascade d'énigmes et de rebondissements.
Et je dois dire que c'est un peu ainsi que j'ai perçu le roman: une aventure énigmatique.

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