samedi 19 janvier 2019

je suis allé au bout de la Terre

Du bon usage des étoiles 
Auteure: Dominique Fortier
Couverture: Pascale Bonenfant
Édition: Alto, 2016, 341 pages
original: Alto, 2008
Aventure, littérature québécoise

Présentation: L'Erebus et le Terror, en voulant trouver un passage dans le Nord de l'Amérique à l'époque victorienne, se retrouvent pris entre les glaces.
+ : plume
- : lenteur
Thèmes: Nord-Ouest, marins



Mon avis
L'été dernier, sans que je sache pourquoi, la couverture de ce titre m'attirait comme un aimant. Et même si ce n'est pas dans mes habitudes, je l'ai pris, ne sachant rien du livre. Et lors de Québec en novembre, plusieurs ont parlé de cette auteure, mais j'avais ciblé d'autres lectures, et n'avait pas eu le temps de me rendre à ce titre.
Et c'est donc en ce mois de janvier que je lis ce livre. Je dois avouer qu'au départ, j'ai eu de la difficulté à me situer dans le récit, bien que la fluidité des phrases nous y entraînaient. J'ai donc eu peur que le récit ne parvienne pas à m'atteindre. Mais, grâce aux commentaires généraux sur l'auteure que j'avais vu en novembre, et surtout parce que je voulais enfin avancer dans Snake & Ladders, j'ai poursuivi et me suis laissée emporter par ce récit.
Tout d'abord, je trouvais que le style recherché ne donnait pas une impression de rigueur, mais un rythme soutenu avec de la poésie au travers. Et cette sensation s'est accrue au fil de ma lecture et même si on ne s'habitue pas à un tel paysage, à un tel froid (il fait -31 pendant que je rédige!), on s'habitue à ce style qui lui rend hommage avec des descriptions qui semblent nous plonger dans quelque féerie, telles que la description de l'aurore boréale par exemple. Bref, c'est vraiment cela qui fait la force du récit pour moi.
Aussi, je crois qu'au début, je ne m'attachais pas au personnage, mais plus on avance dans le texte, plus on se prend d'attachement pour les capitaines qui eux prennent de plus en plus conscience de leur équipage. J'ai donc aimé découvrir certains membres au fil de la lecture, et voir comment ceux-ci occupaient leur temps et ça nous amène à découvrir certaines notions de l'époque.
Également, il y a des passages de femmes qui sont restées en Angleterre, et même si parfois, j'en trouvais égocentrique, j'aimais voir les rêveries, pensées de certaines. Et après réflexion, je trouve que ces passages permettaient de rythmer le récit, car après tout, les marins sont figés dans la glace, ce qui crée une lenteur dans le récit. Donc, je crois que ces passages permettent de former un tout cohérent, et en plus, cela m'a permis de voir un peu des mœurs de l'époque victorienne.
Bref, même si je considère que ce n'est pas l'histoire qui m'aura le plus touchée, j'ai passé un agréable moment, et relirai l'auteure. Pour un premier roman, le pari était réussi. Donc, si vous le souhaitez, rendez-vous ici pour en lire un extrait et vous le procurer. 

Quelques citations
Quant à moi, je suis allé au bout de la Terre, j’ai basculé dans ce vide où il n’y a ni monstres marins ni poulpes géantes ni sirènes ni même Dieu; je n’ai trouvé que la nuit dans cet abîme, et c’est sans doute, de toutes les découvertes, la plus terrible.
Nous avons aperçu avant-hier nos premiers icebergs et en sommes aujourd’hui entourés de toutes parts comme dans quelque féerie. On ne s’habitue pas à un tel paysage. Les montagnes de glace aux reflets d’un bleu, vert, turquoise minéral, s’élèvent vers le ciel comme des cathédrales de neige. Ces masses auprès desquelles nos navires semblent lilliputiens ont au soleil un éclat presque surnaturel; on les dirait sorties d,une peinture représentant la surface d’une planète inconnue, ou du rêve d’un fou. Elles sont cependant aussi dangereuses que magnifiques car, comme les hommes, elles ont pour particularité de cacher dans les profondeurs invisibles la plus grande part d’elles-mêmes, aussi faut-il naviguer autour de ces géantes de neige lentement et avec une grande prudence. La brume, qui ne se lève pas depuis deux jours, rend la navigation plus difficile encore en enveloppant ces titans silencieux d’une chape blanche et fantomatique.
La nature polaire, morte pendant plus de six mois, noyée dans les ténèbres, connaît à l’été une renaissance aussi brève que spectaculaire.
Il est donc ridicule de songer à dépêcher une expédition de secours. On ne va pas au secours des héros.
Sans doute l'homme qui n'a plus rien à perdre et qui le sait est-il infiniment plus libre que celui qui craint à tout moment de voir son bonheur, sa richesse, sa vie lui échapper.
Soudain, dans le ciel immense, apparaît une lueur d’un vert laiteux, une vague mouvante qui danse au-dessus de l’horizon où elle déploie un chatoyant rideau presque phosphorescent.
Il va de soi que le progrès scientifique est chose merveilleuse et qu’il permet d’étendre chaque jour davantage notre domination sur le monde qui nous entoure, mais à voir Fitzjames penché, les yeux plissés, au-dessus de ses bassins fumants de mercure et d’hyposulfite de soude, j’ai l’impression d’avoir pénétré par erreur dans le laboratoire de quelque alchimiste des temps passés, absorbé dans l’exécution de l’œuvre au noir.
S’y trouvaient, côte à côte, une rose des sables dont les délicates arêtes à l’harmonie irrégulière éveillaient invariablement l’admiration de ces dames, à qui Lady Jane préférait toutefois ne pas révéler la source de cette singulière beauté; un poignard à la lame sculptée dans sa gaine de cuir repoussé, qu’elle avait âprement négocié à l’un de ces hommes vêtus de bleu qui sentaient aussi fort que les chameaux dont ils partageaient l’existence; un grigri fait de corne, de plumes et de billes d’onyx qui avait toujours suscité chez elle une très légère inquiétude; le fossile parfaitement conservé d’une fleur dont on distinguait les pétales nervurées et jusqu’aux petits poils hérissés recouvrant les feuilles d’un duvet rêche; un moustique prisonnier d’une grosse goutte d’ambre couleur de miel, suspendu pour l’éternité dans l’or translucide; une sculpture représentant, avec une crudité presque obscène, une silhouette féminine aux seins et aux formes rebondies (que ces dames faisaient le plus souvent semblant de n’avoir pas vue, pour qu’on ne puisse pas se laisser aller à songer que ces mêmes formes se cachaient sous les jupons, guimpes et crinolines dont elles étaient caparaçonnées); d’arachnéennes figurines de verre soufflé vivement coloré, achetées sur l’île de Murano, concession consentie par l’aventurière à la mode de l’époque parce que ces petites figures, bien que mièvres et somme toute assez communes, étaient tout de même l’œuvre d’authentiques artisans.
Parce que je participe à quelques challenges

(Terre du milieu)
(Défi-lecture: #19)
Challenge personnel : #17, et #10
Multi-défis : #24


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